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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides

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Path et Ruben c Commission du Contentieux Electoral [1976] VUTM 6; No 2482 (23 July 1976)

TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES – HEBRIDES


Affaire N° 2482
Jugement N° (D) 2/76
du 23 juillet 1976

CONTENTIEUX ELECTORAL


Elections à l’Assemblée Représentative du 10 novembre 1975 pour la désignation des représentants de la population de la Circonscription de SANTO-MALO-AORE.


Appels Titus PATH et Thomas RUBEN


Contre


la Décision N° 4 de la Commission du Contentieux Electoral du 7 mai 1976.


JUGEMENT


Les appelants Thomas RUBEN et Titus PATH ont tous deux interjeté appel auprès du Tribunal Mixte de la décision de la Commission du Contentieux Electoral en date du 7 mai déclarant nulles les élections commencées le 10 novembre 1975 dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré. Les résultats de ces élections ont été les suivants:


Michel THEVENIN
898 voix – Elu
Titus PATH
855 voix – Elu
Thomas RUBEN
815 voix – Elu
Samuel WINE
726 voix
James LEODORO
505 voix
Etienne MARAI-POUNE
331 voix
Albert RAVUTIA
130 voix

172 voix séparent Michel THEVENIN de Samuel WINE, premier candidat battu.


Les présents appels sont interjetés conformément à l’article 94(4) du Règlement Conjoint N°3O de 1975 relatif à l’élection des membres de l’Assemblée Représentative et à l’Arrêté du Tribunal Mixte du 28 octobre 1975 portant Règlement de Procédure d’Appel en Matière de Contentieux Electoral pour les Elections à l’Assemblée Représentative. Chacun des appelants a fondé son appel au Tribunal Mixte sur le seul motif que la Commission du Contentieux s’est trompée dans l’interprétation des faits et des preuves. Ces deux appels peuvent donc sans inconvénient être joints, ce que le Tribunal a ordonné dès le début de la présente procédure. Me. D.N. HUDSON, avocat des indigènes ad hoc représentant les appelants, a demandé l’autorisation de déposer hors délai un mémoire conjoint à l’appui des requêtes des appelants. Cette demande a été rejetée, mais une autre requête de Me HUDSON sollicitant la permission de plaider un moyen d’appel portant sur un point de droit non soulevé dans la requête des appelants lui a été accordée. Me. HUDSON a également demandé au Tribunal, conformément à l’article 9(2) du Règlement de Procédure, que les requêtes des appelants soient examinées et débattues en audience publique.


La décision de la Commission du Contentieux a, à tour de rôle, statué sur un certain nombre d’allégations concernant des irrégularités dans les élections dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré exposées dans une lettre en date du 10 décembre 1975 addressée à la Commission et demandant que les élections dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré soient déclarées nulles. La Commission, dans sa décision en date du 7 mai 1976, a statué sur ces plaintes sous les titres suivants :


1ère allégation:
Vote de personnes ne remplissant pas les conditions d'âge;
Voting by people under 21 years of age;
2ème Allégation:
Manoeuvres visant à éviter la participation au vote de certains électeurs;
Actions aiming to prevent some people from voting.
3ème Allégation:
Action administrative irrégulière;
Administrative irregularities;
4ème Allégation:
Règlementation sans valeur légale;
Legislation without legal effect.

Les 2ème, 3ème et 4ème allégations concernaient des irrégularités, actes ou ommission s’étant produits avant et pendant la période d’inscription des électeurs. Dans un jugement avant dire droit du 2 juillet 1976, dans l’appel de George CRONSTAEDT, Louis VATU et Marie GILU (Procédures Jointes) contre la décision de la Commission du Contentieux Electoral relative aux élections de la Circonscription Urbaine de LUGANVILLE, le Tribunal a décidé que la compétence de la Commission du Contentieux s’étendait à l’examen des objections aux élections basées sur des irrégularités dans la préparation des listes électorales.


Pour ce qui concerne la 1ère allégation, la Commission du Contentieux a jugé qu’elle était prouvée quant à vingt-et-un (21) électeurs et a annulé leurs votes.


En ce qui concerne la 2ème allégation, la Commission a jugé cette allégation établie et qu’au moins 163 personnes n’avaient pas été inscrites comme électeurs et, de ce fait, privées de leur droit de vote.


La Commission a également jugé que la 3ème allégation était établie.


En ce qui concerne la 4ème allégation, la Commission a jugé que la Décision Conjointe N°86 de 1975 signée par les Commissaires-Résidents le 9 septembre 1975 et prenant effet à sa publication le même jour, et dont le second paragraphe fixait au 15 octobre 1975 la date de clôture des listes électorales dans les circonscription rurales, était valide. D’autre part, elle a jugé que la Décision Conjointe N° 96/2 de 1975 signée le 20 octobre 1975 et prenant effet le 31 octobre 1975, date de sa publication, qui fixait au 31 octobre 1975 la date de clôture des listes électorales pour le transfert d’inscription et au 3 novembre 1975 la date de clôture des listes électorales dans toutes les circonscriptions rurales autres que celle de la Circonscription des Iles du Centre (1ère Subdivision), était sans effet. Elle a décidé en conséquence que l’inscription de 345 personnes comme électeurs dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré effectuée entre le15 octobre et le 3 novembre n’était pas valide et a déclaré nuls les votes exprimés par ces 345 personnes. Considérant le fait que seulement 172 voix séparent l’intimé, Michel THEVENIN, candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix parmi les candidats élus, et Samuel WINE le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix parmi les candidats battus, et qu’elle a déclaré nuls les votes exprimés par les 345 personnes illégalement inscrites, la Commission a annulé les élections dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré.


Le moyen d’appel basé sur un point de droit que Me HUDSON a été autorisé à plaider concernait la validité ou l'invalidité des Décisions Conjointes N° 86 et 96/2 de 1975. En raison de l’importance de cette question en ce qui concerne la validité des élections dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré, le Tribunal a demandé a l’Attorney-General, pour le Commissaire-Résident Britannique, et à un représentant de l’Administration Française, pour le Commissaire-Résident de France, de comparaître en qualité de « amici curiae » et de présenter au Tribunal leurs observations sur la validité ou l’invalidité des deux Décisions Conjointes et sur leurs effets respectifs.


Brièvement, les frais sont les suivants.


Par Echange de Notes en date du 29 août 1975, les Gouvernements français et Britannique ont modifié le Protocole de 1914 en y incluant des dispositions concernant la création d’une Assemblée Représentative. Ces dispositions prévoient l’élection de 42 membres, 20 devant êtres élus par les 12 circonscriptions rurales celle de Santo-Malo-Aoré devant être représentée par 3 membres. L’Article 3.-1.a) de l’Echange de Notes dispose que:


« Les représentants des populations sont élus au suffrage universel des personnes des deux sexes, majeures de vingt-et-un ans, ayant résidé aux Nouvelles-Hébrides pendant au moins les trois années précédant immédiatement la date du commencement du scrutin (nonobstant toutes absences temporaires au cours de cette période à condition que leur total n’excède pas six mois) et inscrites sur la liste électorale appropriée sous réserve qu’elles n’entrent pas dans l’un des cas d’incapacité prévus par le Règlement Conjoint fixant la procédure électorale. »


L’article 9 de 1’ Echange de Notes dispose que :


« La date des élections est fixée par décision conjointe des Commissaires-Résidents et publiée deux mois au moins avant le jour du commencement du scrutin. Le scrutin se déroule dans les conditions fixées par Règlement Conjoint.»


Le 9 septembre 1975, les Commissaires-Résidents ont pris et publié la Décision Conjointe N°86 de 1975 ainsi conçue :


« Les Commissaires-Residents de France et de Sa Majesté Britannique aux Nouvelles-Hébrides.


VU:
Les articles 2 (paragraphe 2) et 7 du Protocole Franco-Britannique de 1914,
VU:
L’échange de notes intervenu entre le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Gouvernement de la République Française, à PARIS le 29 Août 1915, »

DECIDENT:


« Article 1.- Le scrutin pour l’élection des représentants de la population à l’Assemblée Représentative débutera le lundi 10 novembre 1975.


Article 2.- Les Listes des sections électorales de chaque circonscription seront closes le mercredi 15 octobre 1975 pour toutes les zones électorales excepté les Circonscriptions Urbaines de PORT-VILA et de LUGANVILLLE; les listes électorales provisoires, sauf celles des Circonscriptions Urbaines, pourront être consultées par le public dans les bureaux des Délégués concernés à partir du mercredi 10 septembre 1975.


Article 3.- Le public est informé que toute personne souhaitant se présenter comme candidat à cette élection, en qualité de représentant de la population, devra faire état de sa candidature avant le lundi 6 octobre 1975. Sont habilités à présenter leur candidature les personnes âgées d’au moins 25 ans et ayant au 15 octobre 1975 au moins trois ans de résidence aux Nouvelles-Hébrides. »


Le 15 septembre 1975, en application des dispositions des articles 2§2 et 7 du Protocole et de l’Echange de Notes du 29 août 1975, les Commissaires-Résidents ont promulgué le Règlement Conjoint N°30 de 1975 relatif à l’élection des membres de l’Assemblée Représentative. L'article 3(1) de ce Règlement dispose:


« Les listes électorales de chaque section au sein de chaque circonscription seront closes à une date fixée par Décision Conjointe des Commissaires-Résidents au plus tôt un mois avant la date fixée pour le début du scrutin; toutefois, des dates différentes pourront être arrêtées pour la clôture des listes électorales en ce qui concerne l’inclusion ou l’ommission de noms d’électeurs d’une part, et le transfert de noms d’électeurs d’une liste sur une autre, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 7 du Règlement (c’est-à-dire le R.C. 8 de 1975 sur les Commissions Electorales), d’autre part. »


Le 20 octobre 1975 les Commissaires-Résidents exerçant les pouvoirs conférés par cet article, ont signé la Décision Conjointe N° 96/2 de 1975, ainsi conçue :


« Les Commissaires-Résidents de France et de Sa Majesté Britannique aux Nouvelles-Hébrides.


VU:
Le paragraphe 1 de l’article 3 du Règlement Conjoint No 30 du 1975 relatif aux élections a l’Assemblée Représentative; »

DECIDENT :


1) Les listes électorales de chaque ilôt de recensement dans chaque circonscription électorale pour l’élection des représentants de la population à l’Assemblée Représentative seront closes le 31 octobre 1975 en ce qui concerne les transferts d’inscription conformément à l’article 7 du Règlement Conjoint N° 8 de 1975.


2) Sous réserve des dispositions du paragraphe (1) ci-dessus, les listes électorales de chaque ilôt de recensement dans chaque circonscription électorale à l'exception des circonscription urbaines de PORT-VILA et de LUGANVILLE et des circonscriptions rurales situées dans la circonscription administrative des Iles du Centre I, seront closes le 3 novembre 1975.


3) Sous réserve des dispositions du paragraphe (1) ci-dessus, les listes électorales pour chaque ilôt de recensement dans les circonscriptions urbaines de PORT-VILA et de LUGANVILLE et dans les circonscriptions rurales se trouvant dans la circonscription administrative des Iles du Centre I, seront closes le 5 novembre 1975.»


Cette décision conjointe est entrée en vigueur à la date de sa publication au Journal Officiel, le 31 octobre 1975.


On aurait pu s’attendre à ce que la Décision Conjointe N° 96/2 modifie ou annule la Décision Conjointe N°86, avec effet rétroactif. Ce n’est pas le cas; et ainsi qu’on peut le lire dans le texte reproduit ci-dessus la Décision Conjointe ne fait aucune mention de la Décision Conjointe N°86 du 9 septembre 1975 qui était censée fixer la clôture des listes électorales de toutes les circonscriptions rurales au 15 octobre 1975.


Il ressort de la Liste Electorale pour Santo et Iles, Liste Supplémentaire N° 2 (et la Commission du Contentieux, 1’a également découvert) que 345 personnes ont été inscrites comme électeurs dans la Circonscription de Santo-Malo-Aoré entre le 15 ou le 2O octobre (on ne sait pas quel jour au juste) et le 3 novembre, et le Tribunal a établi, par l’examen des listes électorales utilisées aux bureaux de votes par les assesseurs, qu’au moins 263 des électeurs inscrits entre ces dates sur la Liste Supplémentaire N° 2 ont voté aux élections pour la circonscription de Santo-Malo-Aoré.


Les questions en litige sont par conséquent:


1) La Décision Conjointe N°86 de 1975 était-elle valide, en tant qu’elle était censée, en son second paragraphe, fixer au 15 octobre la date de clôture des listes électorales dans les circonscriptions rurales?


2) Quels ont été les effets, s’il y en eut, du paragraphe 2 de la Décision Conjointe N°86 de 1975 en ce qui concerne la Circonscription de Santo-Malo-Aoré?


3) La Décision Conjointe N°96/2 de 1975 était-elle valide, notamment en ce qui concerne les alinéas 1 et 2 de son premier paragraphe?


4) Quels ont été les effets, s’il y en eut, des alinéas 1 et 2 du paragraphe 1 de la Décision Conjointe N°96/2?


5) En fonction des réponses données aux questions 1) à 4) :


a) était-il légal d’inscrire des noms d’électeurs sur la liste électorale de la Circonscription de Santo-Malo-Aoré entre le 15 octobre et le 3 novembre, et


b) les votes exprimés aux élections dans cette circonscription par les personnes inscrites entre le 15 octobre et le 3 novembre auraient-ils dus être comptés ou non?


Me. HUDSON pour les appelants et l’Attorney-General, comparaissant en qualité de "amicus curiae" pour le Commissaire-Résident Britannique ont plaidé que le paragraphe 2 de la Décision Conjointe N°86 de 1975 était nul et de nul effet. Ils ont plaidé que la Décision Conjointe N°96/2 était valide et qu’elle avait pour effet de clore les listes électorales au dates y spécifiées.


D’autre part, Me de PREVILLE pour les intimés a plaidé que le paragraphe 2 de la Décision Conjointe N°86 de 1975 était parfaitement valide en ce qu’il fixait la clôture des listes électorales des circonscriptions rurales au 15 octobre 1975. Il a plaidé que la Décision Conjointe N°96/2 de 1975 était de nul effet en ce qui concerne la clôture des listes dans les circonscriptions électorales rurales, puisque ces listes avaient déjà été clôturées par la Décision Conjointe N°86 de 1975.


Me. HUDSON et l’Attorney-General ont basé leur argumentation quant à la validité de la Décision N°86 sur trois moyens.


D’abord il a été plaidé que le Titre 1er de 1’Echange de Notes du 29 août 1975 prévoit à trois reprises la production de Décisions Conjointes par les Commissaires-Résidents: à l’article 2§ 2(c), pour fixer ou modifier les limites des circonscriptions rurales ; à l’article 9, pour fixer la date des élections, et à l’article II § 3 pour réglementer le dépôt d’un cautionnement par les candidats. Par ailleurs l’Echange de Notes, en prévoyant en son Titre I des dispositions pour les élections et l’établissement de l’Assemblée Représentative, prescrit aux Commissaires-Résidents d’édicter des Règlements Conjoints pour réglementer la procédure des élections. Ainsi le Règlement Conjoint N° 30 de 1975 a été pris par les Commissaires-Résidents pour régir l’élection des membres de l’Assemblée Représentative, et les articles 4 et 14(4) du Règlement Conjoint reprennent les disposition des articles 9 et 11(3) de l’Echange de Notes.



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