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Décision du Tribunal Mixte des Nouvelles Hébrides |
TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES – HEBRIDES
Affaire N° 2505
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Jugement N° (A) 33/76 du 31 août 1976
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J U G E M E N T
Audience publique du mardi trente et un août mil neuf cent soixante seize.
Le Tribunal Mixte des Nouvelles-Hébrides, séant au Palais de Justice à Port-Vila et composé de :
MM
L. CAZENDRES, Juge Français, Président,
R. M. HAMPSON, Juge Britannique, p.i,
C. BOUDIER, Assesseur,
assistés de M. P. de GAILLANDE, Greffier,
a rendu en matière
de conflits du travail le jugement suivant entre :
M. Hubert THIBAULT, boucher, demeurant à
Port-Vila, comparant et plaidant par Me. A. de PREVILLE,
Défenseur,
DEMANDEUR, D’UNE PART
ET
M. Georges VENEKAS et Mme Cléo LAVIALE,
son épouse, commerçants, demeurant à Port-Vila, comparant
et plaidant par M. G. VENEKAS,
DEFENDEURS, D'AUTRE PART
Par déclaration écrite en date du 26 juillet 1976, déposée au Greffe le même jour, M. Hubert THIBAULT a fait citer M. Georges VENEKAS et Mme Cléo LAVIALE son épouse à comparaître devant le Tribunal Mixte siégeant en matière de conflits du travail, à l’audience du 17 août 1976, pour s’entendre condamner à payer au demandeur et à sa fille Laurence Valérie THIBAULT, née à Port-Vila le 25 juillet 1975, les frais de leur rapatriement à BORDEAUX (France).
A l’audience du 17 août 1976, le demandeur représenté par Me de PREVILLE a exposé ainsi qu’il suit les motifs de sa demande :
Que M. THIBAULT, alors qu’il était domicilié à BORDEAUX (France) a été embauché par les époux Georges VENEKAS, commerçants demeurant à Port-Vila, en vertu d'un échange de lettre, pour venir travailler à PORT-VILA dans leur entreprise en qualité de boucher, pour compter du 1er Décembre 1972.
Que les conditions essentielles du contrat fixées par les lettres des époux VENEKAS en date des 6 juin et 10 octobre 1972 et acceptées par l’exposant, stipulaient notamment que les frais de voyage seraient à la charge des employeurs et que la durée du contrat serait "en Principe" de trois ans.
Que M. THIBAULT prit son travail le 1er Décembre 1972 mais que, par lettre en date du 30 décembre 1974 les époux VENEKAS lui signifiaient que son contrat serait résilié le 31 mars 1975 en raison de l’état de santé de M. VENEKAS qui les obligeaient à réduire leurs activités.
Que lorsque les époux VENEKAS lui réglèrent ses salaires et ses congés payés, il fut convenu que lorsqu’il déciderait de rentrer à BORDEAUX, ils mettraient à sa disposition son billet de passage de retour.
Qu’ils changèrent d’attitude par la suite et refusèrent de délivrer ce billet.
Que l’intervention de L’Inspecteur du Travail ne modifia pas leur décision bien au contraire puisque l’Inspecteur sembla approuver leur position fondée sur un texte de loi français en vigueur en Nouvelle-Calédonie concernant les cautions de rapatriement des travailleurs étrangers.
Que l’exposant soutient que la règlementation en vigueur aux Nouvelles Hébrides est non pas celle de la Nouvelle-Calédonie mais celle fixée par le Règlement Conjoint N°11 de 1969.
Qu’il résulte clairement des articles 94 et 97 de ce Règlement que les frais de rapatriement de l’exposant et de sa famille resteront à la charge de ses employeurs pendant un délai de deux ans pour compter de son licenciement c’est-à-dire jusqu’au 31 mars 1977.
M. VENEKAS a répliqué qu’il avait eu l’intention de payer le voyage de retour de M. THIBAULT en Métropole après la résiliation du contrat, mais qu’il était revenu sur sa décision pour les motifs suivants :
- M. THIBAULT après avoir quitté le service de M. VENEKAS a immédiatement loué ses services à un autre employeur,
M. BOURGOIS ;
- M. THIBAULT étant propriétaire d’un immeuble aux Nouvelles-Hébrides n’a pas droit au rapatriement;
- Enfin, après avis de l’Inspecteur du Travail, M. VENEKAS invoque à son profit les dispositions de l’article 36 du decret du 13 juillet 1937 relatif à l’admission des citoyens français, des sujets et protégés français, et des étrangers en Nouvelle-Calédonie. Ce texte est ainsi conçu :
Article 36: "Au cas où un employeur prendrait à son service, à quelque titre et pour quelque durée que ce soit, un agent déjà cautionné par un tiers, cet employeur devient d’office garant des frais de rapatriement de cet agent et devra, si sa caution personnel n’est pas agrée par le Gouverneur, verser immédiatement le cautionnement prévu".
M. THIBAULT ayant, aussitôt après la résiliation de son contrat avec M. VENEKAS, loué ses services à M. BOURGOIS, il appartient à ce dernier de pourvoir à son rapatriement.
M. VENEKAS reconnaît en outre qu’il n’y a jamais eu de contrat écrit entre lui-même et M. THIBAULT, qu’il n’a jamais contesté qu’un contrat verbal existait bien entre eux, pour une durée de trois ans, et que ce contrat mettait à sa charge les frais de voyage aller et retour. Il reconnaît également que la résiliation de ce contrat à la date du 31 mars 1975 est de son fait, en raison de la cessation de ses activités.
Le Tribunal, au vu des lettres du 6 juin 1972, et 10 octobre 1972 de M. VENEKAS à THIBAULT, et des déclarations des parties estime que même en l’absence d’un contrat de travail écrit et explicite, un contrat implicite existait entre les parties; qu’il doit être assimilé à un contrat signé à l’extérieur du Territoire et en conséquence soumis aux dispositions des articles 94 et 97 du Règlement Conjoint N°11 de 1969, relatifs au transport du travailleur.
Article 94: "Sous réserve des dispositions prévues à l’article 97, sont à la charge de l’employeur les frais de transport du travailleur, de son conjoint et de ses enfants à charge :.....
2°) du lieu de l’emploi à sa résidence habituelle; ...
en cas de rupture du contrat du fait de l’employeur ... "
Article 97: "Le travailleur qui a cessé son service peut faire valoir, auprès de son ancien employeur, ses droits en matière de congé, de voyage et de transport dans un délai maximum de deux ans à compter du jour de la cessation du travail chez ledit employeur. Toutefois les frais de voyage ne seront payés par l’employeur qu’en cas de déplacement effectif du travailleur."
Il n’est pas contesté que la résidence habituelle de M. THIBAULT à la date de la signature du contrat, - et pendant l’exécution de celui-ci, - fût à BORDEAUX et l’employeur a d’ailleurs supporté les frais de voyage de l’employé de BORDEAUX à PORT-VILA. De plus il est admis par le défendeur que la rupture du contrat est bien due à son initiative.
Le Tribunal ne peut accepter les motifs en défense de M. VENEKAS.
Tout d’abord, aucune disposition, ni du contrat, ni du Règlement Conjoint N°11 de 1969 n’interdit à M. THIBAULT de se réemployer sur place à la cessation de son contrat.
Par ailleurs le décret du 13 juillet 1937 relatif au voyage de citoyens français et étrangers en Nouvelle-Calédonie est un texte spécial s’appliquant au seul Territoire de Nouvelle Calédonie. Ce texte concerne les modalités d’entrée des personnes en Nouvelle-Calédonie; il s’agit d’un règlement de Police qui ne peut en aucune façon être opposé aux dispositions du Règlement Conjoint N°11 de 1969.
En effet le Règlement Conjoint N°11 de 1969 portant règlementation du Travail aux Nouvelles-Hébrides est un texte pris en application des pouvoirs conférés aux Commissaires-Résidents par les articles 2-2, 7 et 31 du Protocole Franco-Britannique, du 6 août 1914, qui lui confère le caractère d’acte diplomatique dont les dispositions s’imposent aux législations nationales qui lui seraient contraires.
S’agissant donc de l’interprétation des clauses d’un contrat de travail, le Tribunal doit appliquer les dispositions du Règlement Conjoint N°11 de 1969 et notamment de ses articles 94 et 97, à l’exclusion de tout autre texte.
En ce qui concerne le rapatriement de Mme Valérie THIBAULT le Tribunal a la preuve qu’elle est née le 25 juillet 1974 et qu’elle a été reconnue par le demandeur à la même date. Etant née avant la fin du contrat (survenue le 31 mars 1975) elle a droit à son rapatriement dans les mêmes conditions que son père.
En conséquence, et en application des textes susvisés,
Le Tribunal fait droit à la demande de M. THIBAULT et condamne les époux VENEKAS à supporter les frais de son rapatriement et celui de sa fille Valérie en Métropole.
Dit qu’un billet de passage par la voie la plus directe sera tenu à leur disposition jusqu’au 31 mars 1977 et que ce billet ne sera délivré que si le demandeur et sa fille effectuent réellement le voyage.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.
Le Juge Britannique :
R M HAMPSON
Le Juge Français :
L
CAZENDRES
Le Greffier p i :
P de GAILLANDE
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